Sunday, September 8, 2013

La charte de la laïcité, l'excellence dans la division et la diversion

Montréal, le 6 septembre 2013
Par Brahim Benyoucef, Ph.D

http://observatoire-espace-societe.com/Copied-La-diversit%C3%A9-%3A-Quels-enjeux-.php

Le P.Q revient une fois de plus au jeu malsain de la diversion, en ressuscitant le projet de charte de laïcité. Même si ce projet voudrait bannir tous les signes ostentatoires au sein de la fonction publique, il vise essentiellement le foulard islamique. 
Force est de constater, une fois de plus la communauté musulmane vivant au Québec est ciblée par les manœuvres politiciennes et électoralistes. Si la tempête des accommodements raisonnables provoquée par le défunt parti A.D.Q avait occupé une grande place dans les débats de la précédente campagne en 2007; c’est le tour au P.Q de prendre le relais avec son projet de charte de laïcité.
Manoeuvre malsaine
Encore une fois le P.Q, considérant des calculs politiques et partisans étroits, vient jouer dans la cour des divisions identitaires. 
Oh que c'est ignoble de forcer des citoyens(es) déjà fragilisés(es) par la discrimination, les préjugés, le racisme et le chômage à choisir entre leurs emplois et leur identités.
Oh qu'il est malsain et aliénant que de forcer une personne à neutraliser ou effacer son identité, en sorte de s'auto-aliéner.
Oh qu'il est malsain que de susciter des sensibilités et de creuser des fossés entre des Nous et des Eux.
Le P.Q mérite à juste titre de se faire discerner le prix d'excellence dans la division et la diversion!
Jeu de diversion ou perte de vue?
Ce geste répond à la fois à une volonté de diversion et, il est révélateur de perte de vue et de raison.
Encore une fois le P.Q, pour faire diversion et éviter la réédition de compte, avec un bilan peu concluant, à la fin  de sa première année au pouvoir ( depuis août 2012), trouve refuge dans les divisions identitaires. 
Ce geste est aussi révélateur d'un manque de jugement et de raison, en ce sens que d'une part, aucune raison objective ne justifie une telle charte et, d'autre part aucune évaluation des impacts et des effets, ne semble intéresser les instigateurs du projet.

Or, une telle initiative va certainement secouer la paix sociale, le bien vivre ensemble et l'harmonie sociale et l'engagement citoyen. Les actes de vandalisme dont la mosquée du Saguenay a été victime la semaine passée (samedi 31 août 2013), sont un avant goût de ce qui vient compromettre la paix sociale.
Une telle initiative viendrait certainement déstabiliser les secteurs de services publics et parapublics, dont l'éducation et la santé; d'emblée il est facilement remarquable que la communauté musulmane est assez présente dans le secteur de l'éducation et de la santé, la communauté juive fortement présente dans le secteur de la santé et la communauté Sikh, manifeste une relève de plus en plus présente dans le secteur public et parapublic.
Enjeu ou manœuvre? 
Considérant la place accordée à ces questions, Il devient légitime et pressant de poser la question, s’il s’agit d’un véritable enjeu ou simplement d’une manœuvre électoraliste?
Au vu des indicateurs objectifs, rien ne justifie ni un projet de loi ou de charte, ni l’ampleur donnée à la question du foulard islamique dans la campagne électorale et dans le débat de société. En effet, ni les demandes d’accommodements pour des raisons religieuses (à proportion très faible dans l’ensemble; voir à ce propos les études de la commission des droits de la personne), ni le nombre de personnes qui portent un foulard, au sein de la fonction publique de la province du Québec (très faible et insignifiant, pour la simple raison que les Arabes et les Musulmans, surtout maghrébins souffrent d’un taux très élevé d’exclusion de l’emploi) ne justifient un tel acharnement.
La question est suscitée par une fausse idée selon laquelle la présence de signes religieux exercerait une menace. Dans ce contexte interviennent les tempêtes soulevées au Québec, relativement au port du foulard islamique, à la consommation Halal, aux écoles musulmanes, etc.…, où le P.Q semble vouloir jouer un rôle de premier rang. Cette peur est nourrie depuis un certain temps, par certaines médias, qui non seulement cherchent le scoop et le sensationnel, mais de plus, mènent délibérément, une campagne islamophobe continue, agressive et sans répit. Les partis politiques, prennent le relais des médias, pour exploiter à leur avantage, cette phobie une fois installée, à l’égard des musulmans.
En effet, ces partis, à court de projets et d’idées, glissent facilement dans le populisme et la manœuvre électoraliste malsaine et trouvent dans la communauté musulmane du Québec une proie facile.
Ces partis s’imaginent que l’exploitation de cette phobie pour des fins électoralistes, est payante.
La mondialisation; l’immigration; la facilité de la communication et de l’information; les événements politiques des dernières décennies, dont les guerres du Golf, l'instabilité au Moyen Orient et les pseudo guerres contre le terrorisme, etc.… intervenant sur un fond de diabolisation du musulman et de l’islam, sont venus bousculer l’opinion publique en Occident et infester les relations entre les peuples d’Orient et d’Occident.
Particulièrement, cette manœuvre trouve écho, au sein de la société québécoise, pour plusieurs raisons. L’immigration au Québec des citoyens issus de pays musulmans et arabes, surtout maghrébins a atteint son haut durant cette dernière décennie. Ceux-ci arrivent bien entendu avec leurs codes culturels et laissent afficher de la différence. La différence si incomprise et inexpérimentée; la méconnaissance de l’autre surtout lorsque sa présence est fortement ressentie, génèrent une certaine phobie à son égard. Les cultures des uns et des autres sont des registres codés; sans l’ouverture et l’échange des codes, s’installent l’incompréhension, la frustration et la phobie de l’autre. La société québécoise, qui vient de gagner le pari de sa révolution tranquille et qui vient de s’affranchir du pouvoir de la religion, demeure très sensible aux questions de société et de religion. Ceci explique, pourquoi cette manœuvre malsaine trouve succès (ceci explique aussi les résultats des sondages d'opinion, intervenant suite à des campagnes médiatiques de diabolisation de l'autre, de la différence et de la diversité).
Nécessité criante d'une remise en ordre conceptuelle
Le soubassement idéologique porteur de ce genre de gestes et projets est soutenu par de fausses idées, de faux concepts et une compréhension tronquée des choses, d'où la nécessité criante de mettre de l'ordre dans les idées et les concepts, au risque de sombrer sous les effets d'un dogmatisme aliénant.  
La neutralité de l'État est assurée par l'impartialité de ses agents dans l'exercice de leur fonction et non par l'effacement de leur identité. Pousser dans la même logique du ridicule, revient à exiger des fonctionnaires de neutraliser l'apparence de leurs traits, neutraliser les couleurs de leur peau et changer leurs noms, car ils ce sont des indicateurs révélateurs de l'identité culturelle et ethnique de la personne et en grande partie de son appartenance religieuse. 
Porter un hijab, une kipa, un turban ou une croix, ne saurait gêner la neutralité de l'État et de ses institutions, en autant que les fonctionnaires se conforment au niveau de leurs propos, gestes, conduites et comportements aux règles de fonctionnement et l'esprit de l'institution, garantissant la neutralité et l'impartialité de celle-ci
Ne pas confondre agir et être, porter un de ces signes, fait partie de la façon d'être et de paraître de l'individu, relevant de son propre choix et de sa liberté d'être. Ceci ne doit en rien compromettre la neutralité de l'institution que seuls les comportements impartiaux et respectueux des règles de conduite peuvent garantir. Une personne sans porter un de ces signes peut bien porter atteinte à la neutralité de l'institution si ses propos, gestes, attitudes et comportements s'opposent à l'esprit de l'institution; alors qu'une personne même portant un de ces signes, ne porte pas atteinte à la neutralité, tant que son comportement, ses propos et gestes se conforment à l'esprit de l'institution et obéissent à ses règles de conduites.
Exclusion ou inclusion, quelle option choisir?
Malheureusement, ni les politiques, ni les médias ne semblent vouloir écouter ces québécoises et québécois de confession musulmane, qui disent et redisent et ne cessent de répéter haut et fort, qu’ils ont choisi le Québec, terre d’accueil et de liberté, pour vivre dans la dignité et la liberté et pour contribuer à la construction d’un Québec, prospère, épanoui et inclusif.
Loin de vouloir agresser quiconque par la différence qu’ils affichent. Celle-ci fait partie de leur cheminement spirituel, de leurs façons d’être et de paraître et constitue un facteur de leur épanouissement. Ils tiennent à ne pas nuire par leurs comportements, à une quelconque institution, ni à l’espace public, même s’ils tiennent à préserver leur dignité et vivre pleinement et librement leur religion.
 Ils font des efforts et les redoublent pour échanger et s’ouvrir aux autres, afin que s’installent des ponts avec l’autre et dans le but de dissiper les préjugés et effacer la peur. (Portes ouvertes dans les mosquées; le partage des soupers du Ramadhan, etc.)
Ils s’établissent au Québec avec l’espoir de réussir et de contribuer à la prospérité du Québec, avec autant d’atouts que la maîtrise de la langue française, du niveau d’instruction très élevé et de l’expertise dont ils bénéficient, avant de se heurter aux murs de l’exclusion.
En plus, de subir continuellement les effets des préjugés, de la discrimination et des campagnes sans répit d’islamophobie; ils souffrent d’une flagrante exclusion à l’emploi, malgré la maîtrise du Français et le niveau élevé d’instruction. (Beaucoup d’études en témoignent, dont la dernière étude de la commission des droits de la personne.) Un CV portant un nom arabe ou musulman a 60% moins de chance d’être accepté versus un nom québécois.
Les femmes musulmanes au nom d’un pseudo égalitarisme, souffrent doublement d’exclusion et d’aliénation. Personne ne veut les écouter lorsqu'elles disent et répètent haut et fort que le voile relève de leur libre choix d’être et de paraître et fait partie de leur cheminement spirituel. Elles veulent que leur choix soit respecté et que cesse la fausse idée qui voudrait associer le voile à une quelconque inégalité entre femmes et hommes.
Au contraire, les minorités visibles à cause des signes visibles de leur identité qu'ils ne sauraient neutraliser ou effacer, souffrent déjà d'une discrimination masquée, qui ne dit pas son nom. Voila un enjeu de taille pour une société qui se veut juste et équitable. C'est ce genre de chantiers qu'il va falloir activer pour assurer l'équité et l'impartialité au sein de la fonction publique.
Pour garantir la neutralité de l'État, il faut simplement s'assurer que les fonctionnaires aient une bonne et commune compréhension des règles d'éthique et de conduite, pour offrir un service public équitable et de bonne qualité à tous les citoyens. S'assurer que les fonctionnaires exercent leurs fonctions au sein de la fonction publique avec toute la rigueur, l'impartialité et la neutralité exigées.
Assurer la neutralité de l'État, c'est simplement exiger des fonctionnaires de se conformer à l'esprit de l'institution; de ne pas tenir des propos, ni agir de la façon qui compromet la neutralité de l'État.
La neutralité de l'État ne peut être compromise par la façon d'être du fonctionnaire mais bien par sa façon d'agir et de faire. Il y a une grande nuance entre être, paraître et agir.
Au lieu de procéder encore par l’exclusion, il est plus sage de procéder par l’inclusion. Les vrais enjeux sont ailleurs.
L’intégration par l’emploi et la valorisation de la diversité demeurent entre autres, les principaux enjeux, si l’on veut réussir le défi de construire un Québec prospère et inclusif.
Montréal, le 6 septembre 2013
Par Brahim Benyoucef, Ph.D
 Expert consultant

0 Comments:

Post a Comment

Subscribe to Post Comments [Atom]

<< Home